samedi 16 mars 2013

La Turquie : première perdante si le régime syrien tombe


Durant ces deux années, la crise syrienne a constitué un test à tous les niveaux de la politique étrangère turque, tous ses principes et ses fondements ont ainsi été mis en examen  au cours des dernières qui ont précédé le déclenchement de la crise en Syrie et dans les relations entre les deux pays.
Et si  les premiers signes d’un début de changement dans la position d'Ankara envers Damas en début de crise, ces deux années ont amplement démontré les caractéristiques de cette transformation et les nouvelles tendances du  rôle de la Turquie , ses tendances et ses objectifs.
Sans aucun ordre précis, il serait  intéressant de  souligner certaines remarques :
1 – Malgré les prétentions du ministre des affaires étrangères turc Davutoglu, selon lesquelles  la Turquie n'a pas décidé d’être opposée au régime syrien qu'après des dizaines de visites et conseils de réunion dont le dernier date d’Août 2011 ;  Ankara était depuis le début soit  un mois à peine après la crise, entrain de se positionner en tant que le berceau accueillant de  la direction de l'opposition politique syrienne, et peu de temps après elle est devenu le foyer de l'opposition armée syrienne représentée par l'Armée syrienne libre.
2 – Mis à part la distance et les délais, la Turquie a choisi d'être le fer de lance de la chute du  régime, elle sert de quartier général à l’Armée syrienne libre. En plus, Istanbul a accueilli le premier Conseil créé pour l'opposition, à savoir  le Conseil national syrien. Mais surtout le territoire sert de  couloir de transit de tous les types de militants et une base de ravitaillement de l'armée et de logistique pour les milices qui se dirigent vers le territoire syrien et cela de l’avis unanime de tous les médias occidentaux et orientaux.
3 - La Turquie alimente tous les efforts régionaux et internationaux visant à renverser le régime syrien comme les Amis de la Syrie, qui était le fruit des efforts d’Ankara. De même, la coordination  entre la Turquie et la Ligue des États arabes est son apogée pour  isoler la Syrie et  suspendre son adhésion à la Ligue. La diplomatie turque a également fait de grands efforts dans les enceintes internationales pour obtenir une décision du Conseil de sécurité d'imposer une zone tampon voire déclencher une intervention militaire étrangère et augmenter la pression contre  la Russie et  la Chine.
4 - La Turquie a tenté d’imposer tout son poids pour renverser le régime syrien et le rayer  de la carte de la Syrie et de la région, elle a scandé   le slogan «  ou tout ou rien »  et a misé sur une chute du régime rapidement comme cela s’est passé avec l’ Egypte, la Tunisie et plus tard le régime en Libye. Ankara a donc défini des  délais pour la chute du régime dans le cadre d’une guerre psychologique pour accélérer sa chute. Or, Ankara  a misé sur une seule solution, entraînant   la politique turque dans une  impasse évitant de se remettre en question en adoptant la politique de la fuite  avant.
5 - Il est clair que l'une des plus grandes erreurs de la politique d'Ankara envers la Syrie et son échec est l’incapacité de ses  théoriciens à faire une lecture géopolitique interne de la  Syrie. Aussi ils n’ont pas étudié correctement le rôle régional de la Syrie, sa position internationale dans  la politique étrangère de la Russie et de la Chine dans la lutte pour l'établissement d’un nouvel ordre mondial, ni  l'importance de la Syrie dans ce repositionnement des forces. Les  dirigeants turcs ont manqué les points forts de la Syrie sur le plan interne et externe.
6 – Conséquence :  l'apparition de menaces pour  la Turquie comme  la première opposition sectaire entre sunnites et alaouites à l'intérieur du pays ou  l'escalade des affrontements militaires avec  le PKK, l'émergence de la carte  Kurde dans le nord de la Syrie qui est devenu une menace pour la Turquie et contre la Syrie.
7 – De là on assiste à l’effondrement rapide de la théorie de «zéro problème» proposée par  M. Davutoglu et adopté par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et qui n’a duré quelques années. La Turquie s’est retrouvé  au niveau zéro dans ses relations avec ses voisins, notamment l’Irak, l’Iran, mais aussi  une partie  des Libanais et même la Russie.

8 - La crise syrienne a dévoilé l’ambivalence de la Turquie .Ainsi Ankara a tenté de justifié sa théorie de zéro problèmes qu’elle concernait en fait les peuples et non les régimes. Dans ce cas,  pourquoi ce slogan est resté silencieux à l’égard du peuple bahreïni ?

9 – Il est clair que  la politique étrangère de la Turquie a tenté à travers  sa détermination à renverser le régime en Syrie de frapper plusieurs cibles avec une pierre. D’abord, la Turquie aspirait a être le seul joueur dans la région. Ainsi, Ankara estime que le renversement du régime syrien pourrait affaiblir la position du régime irakien,  puis le Hezbollah au Liban et enfin le quartier général de la Révolution islamique en Iran. Le discours de Davutoglu le 27 Avril 2012 au  parlement turc était  très important car il dévoile les intentions d’Ankara  à répandre son hégémonie sur toute la région  ,sans partenaire même Arabe. Ensuite, pour Ankara la chute du régime syrien ouvrirait  la voie à l'Empire ottoman – seljoukides comme l’a souvent répété  M. Erdogan, et cela est véridique, documenté  en  image et en son à diverses occasions.
10 - Ankara a commis un péché terrible quand elle s’est présentée comme  l'axe sunnite de la région, balayant d’un coup  tous les slogans d’un modèle turc laïque et démocratique. Ses représentations ethnique et sectaire à travers la Turquie a établi une distinction au sein des forces de l'opposition syrienne en faveur des islamistes des Frères musulmans  contre les forces laïques et kurdes.
11 – La crise syrienne a poussé  la Turquie à se  rapprocher dangereusement de l'OTAN en déployant sur son territoire un système de défense antimissile territorial :Patriot. Mais encore, les autorités turques ont estimé que leurs frontières sont celles de leurs fournisseurs de l'Atlantique une première dans l’histoire d’un pays musulman de l’Orient. Il s'agit d'un changement majeur sans précédent et dangereux chez la Turquie.
12 - La Turquie a sacrifié toutes ses relations précédentes avec les pays voisins, allant jusqu’à trahir sa politique d’ouverture d’avant la crise syrienne et qui avait attiré ses voisins. Désormais, la Turquie est regardée comme un Etat qui  s'immisce dans les affaires intérieures des autres Etats. Ainsi elle a exhorté Hosni Moubarak à démissionner et s’est pratiquement impliquée dans le bourbier syrien. Et donc de politique « zéro problèmes » on est arrivé à celle d'abandonner les régimes politiques qui n'aiment pas la Turquie. Il s'agit d'une évolution dangereuse dans le rôle de la Turquie, qui était auparavant uniquement un allié  à  l'Occident et à Israël, mais qui aujourd’hui est partie prenante dans des conflits internes de chaque pays.
13 - La survie du régime syrien serait  un échec de la politique du Parti pour la Justice et le Développement qui est  au pouvoir en Turquie.
Et donc, en conclusion la chute du régime ne signifierait aucunement  une victoire de la Turquie. Car la question ne dépend pas de la survie de tel ou tel régime, mais de la relation de la Turquie avec les autres composantes sociales, religieuses, sectaires et ethniques de la région qui ne peuvent plus ignoré les déboires de la Turquie dans la crise syrienne. La trahison de la confiance et le retour de la suspicion entre la Turquie et son environnement immédiat (en raison de la crise syrienne), mais avec les Arabes  aussi (le ressentiment de l’Arabie saoudite, des  Émirats arabes unis envers le soutien de la  Turquie aux  Frères musulmans en Egypte et en Tunisie) seront  de grands obstacles au retour de la Turquie comme partie intégrante de l’environnement oriental. 
 Source:assafir

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