vendredi 29 mars 2013

Allam quitte l’Église catholique : cherchez le sexe, voyons !

L’annonce par Magdi Cristiano Allam (ci-dessus) – à sa manière habituelle, c’est-à-dire retentissante –, qu’il quittait l’Église catholique, a été abondamment commentée en Italie. Sur les réseaux sociaux, beaucoup ont tourné la chose en plaisanterie : « Le premier miracle du pape François : Magdi Allam quitte l’Église », ou encore « Magdi Allam s’en va. Premier miracle du pape François #SantoSubito », a-t-on pu lire sur Twitter.

À gauche et du côté catholique – et a fortiori à l’intersection des deux –, l’insulte a le plus souvent tenu lieu d’argument. Avec les mots-clefs « fondamentalisme » et « idiotie », le journaliste d’extrême gauche Alessandro Capriccioli s’est ainsi scandalisé qu’Allam, « un Égyptien immigré en Italie », ose se dire opposé à « l’ouverture inconditionnelle des frontières » : il y a là, apparemment, contradiction.
Mais la palme revient au vaticaniste conciliaire Andrea Tornielli – qui, lors du baptême de Magdi Cristiano par Benoît XVI, en 2008, s’était inquiété que ce geste spectaculaire ne parût en contradiction avec le « dialogue » islamo-chrétien. Il affecte cette fois d’ironiser, longuement et lourdement. Allam aurait préféré que la délégation musulmane venue à l’intronisation du pape François « eût été arrêtée à l’aéroport par les gardes suisses et renvoyée à l’expéditeur, ou peut-être enfermée dans les cachots du Vatican, ou peut-être mise au pilori ». Ha, ha, ha, que c’est drôle ! Et ce n’est pas terminé : « François, avec ses gros souliers, aurait pu faire un croche-pied aux dignitaires musulmans qui venaient lui rendre hommage [sic], il aurait pu les faire attacher, et les laisser pour au moins une nuit à la belle étoile dans les jardins du Vatican, en attendant leur éventuelle conversion […]. Dans le cas contraire, il aurait pu les garder comme esclaves, en les employant à de basses besognes ». On s’esclaffe, on s’étouffe, on s’écroule.
Après deux paragraphes sur ce ton, Tornielli a fini par s’apercevoir que l’ironie n’était pas son fort. Il est donc passé à la bonne vieille insinuation. Il y a, à l’en croire, « un passage éclairant » dans l’article où Allam annonce sa décision. « C’est celui dans lequel il dit que l’Église “impose des comportements qui sont en conflit avec la nature humaine”, tels que “la renonciation aux rapports sexuels hors du mariage, l’indissolubilité du mariage”. Est-ce que cela rentre aussi dans sa décision de quitter l’Église catholique après à peine cinq années, c’est-à-dire qu’il n’est plus d’accord avec ces comportements que l’Église “impose” ? » Poser la question en ces termes, c’est évidemment y répondre.
Dans le texte même d’Allam, pourtant, les quelques mots découpés par Tornielli rendent un tout autre son. Il s’agit d’un passage où Allam – avant d’expliquer que « ce qui plus que toute autre chose l’a éloigné de l’Église, c’est son relativisme religieux et en particulier sa légitimation de l’Islam comme vraie religion » –, énumère l’ensemble de ses « incertitudes et doutes au sujet de l’Église ». Dans une évidente allusion aux scandales, à la fois sexuels et financiers, de ces dernières années, il écrit : « Je note que l’Église est physiologiquement tentée par le mal, entendu comme violation de la morale publique, à partir du moment où elle impose des comportements qui sont en conflit avec la nature humaine, tels que le célibat des prêtres, la renonciation aux rapports sexuels hors du mariage, l’indissolubilité du mariage, en plus de la tentation de l’argent ». Le passage n’est pas parfaitement clair à cause de l’ambiguïté du mot « nature » – Allam parle-t-il de la nature tombée, comme disent les théologiens, pécheresse, qui ne peut respecter les commandements de l’Église sans la grâce ? Ou veut-il dire, selon une idée courante de nos jours, que ces commandements sont tout simplement impossibles et produisent des transgressions beaucoup plus graves ? On jugera, en tout cas, du procédé de Tornielli, qui a coupé « tentation de l’argent », « célibat des prêtres » et « Église tentée par le mal », pour faire croire qu’Allam – qui, du reste, est divorcé et remarié civilement depuis avril 2007, un an avant son baptême –, parlait de ses problèmes de couple.
L’accusation sexuelle est le grand classique de toutes les religions quand elles veulent discréditer un apostat, comme on dit ou disait – Tornielli, catholique moderne, n’ose pas parler de l’apostasie d’Allam mais de son « abandon ». Des générations de controversistes catholiques ont expliqué toute la Réforme protestante par le désir de Luther de se marier, et attribué le succès de Mahomet au fait qu’il flattait les passions en permettant la polygamie. C’est quand même un peu court… Et il est frappant de voir que les catholiques conciliaires, qui se garderaient bien d’employer ces arguments à propos des protestants ou des musulmans, les ressortent en toute bonne conscience contre « l’islamophobe » Allam. Confirmation, s’il en était besoin, que Vatican II, tout comme les révolutions française et russe auxquelles ses promoteurs l’avaient eux-mêmes comparé, a consisté à garder le pire de l’ancien, et d’abord la malhonnêteté, en y ajoutant le pire du nouveau…
L’instabilité du converti est un phénomène bien connu en psychologie religieuse, spécialement quand la conversion a correspondu à un déracinement, une rupture complète avec la culture d’origine. Au XVIIème siècle, un certain Veil, juif lorrain converti au catholicisme par Bossuet en personne, passa ensuite en Angleterre pour se faire anglican, et mourut finalement baptiste. Il est clair que la décision d’Allam de quitter l’Église, tout comme sa conversion de 2008, s’inscrit dans une histoire personnelle, par définition unique. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne pose pas des questions fondamentales.
Cet immigré, arrivé en Italie en 1972, c’est-à-dire à une époque où la péninsule ne connaissait absolument pas l’immigration de masse, est, non seulement assimilé, mais hyperassimilé, avec une tendance, qui peut amuser ou irriter, à se vouloir plus Italien que les Italiens de souche. Dès lors, quelle qu’ait pu être sa sincérité religieuse, dont on n’entend pas juger – elle fit en tout cas illusion jusqu’au plus haut sommet de l’Église –, sa conversion représentait le couronnement de son assimilation. Naturalisé Italien, marié à une Italienne, et finalement baptisé catholique : l’italianité accomplie. Il avait donc au catholicisme un rapport de type identitaire, doublé, dans son cas, de l’opposition à l’Islam, c’est-à-dire à sa culture d’origine, qu’il avait rejetée comme oppressante.
Il a découvert que l’Église catholique, en Italie comme un peu partout en Europe, est immigrationniste, mondialiste, philo-islamique, bref tout le contraire de son idéal. Il a découvert qu’être catholique, ce n’était pas, aujourd’hui, être plus italien, comme il l’avait cru, mais au contraire l’être moins. Son admiration personnelle pour Benoît XVI le retenait : l’arrivée de François, c’est-à-dire du moins identitaire des papes, l’a fait basculer. Il n’y a vraiment pas besoin de chercher le sexe.
Flavien Blanchon
Crédit photo : Elena Torre via Wikipédia (cc).
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