mercredi 4 janvier 2012

La Hongrie se rebiffe


Viktor Orban accélère le pas pour « renationaliser » l'économie hongroise.
Même sous le feu de la Commission européenne, du Fonds monétaire international (FMI) et des agences de notation, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, n'est pas prêt à plier. Il poursuit sa « renationalisation » de l'économie, quitte à accentuer les tendances centrifuges au sein d'une Union européenne en crise.
Quarante-huit heures après une lettre du président de la Commission, José Manuel Barroso, qui sommait M. Orban de « retirer » deux projets de loi jugés contradictoires avec le traité de l'Union, le ministre hongrois des affaires étrangères, Janos Martonyi, a annoncé, mercredi 21 décembre, que le gouvernement comptait faire adopter avant Noël au Parlement les deux textes, qui touchent l'indépendance de la banque centrale et la politique fiscale.
Le même jour, l'agence Standard and Poor's dégradait en catégorie spéculative la note attribuée à la dette de la Hongrie, en évoquant les « politiques publiques imprévisibles » menées à Budapest. La première de ces « lois fondamentales » - inscrites dans la Constitution - prévoit de fusionner le directoire de la Banque nationale de Hongrie (MNB) avec un Conseil monétaire élargi, où le président de la banque centrale verrait ses prérogatives réduites. Un amendement propose que le Parlement puisse limoger des membres du Conseil monétaire lorsque ceux-ci « agissent contre l'intérêt du pays » Ce dispositif vise l'actuel président de la MNB, Andras Simor : il vient encore de relever à 7 % les taux d'intérêt directeurs, les plus hauts au sein de l'Union.
L'autre projet de loi impose une majorité parlementaire des deux tiers pour décider de tout changement dans la fiscalité - ce qui empêcherait les nécessaires ajustements en cas de dérapage du déficit ou de la dette. « Je vous recommande instamment de retirer (ces) deux projets de loi fondamentale », écrit M. Barroso dans sa lettre à Viktor Orban, car ils contiennent des éléments «qui pourraient être en contradiction avec le traité de l'Union » et la Commission « a des doutes sérieux sur leur compatibilité » avec la législation européenne.
Bruxelles a trouvé un angle d'attaque majeur contre un gouvernement sourd à toute critique. Le 16 décembre, à la demande du commissaire européen chargé des finances, Olli Rehn, une délégation du Fonds monétaire international (FMI) a quitté la Hongrie avant d'avoir rencontré ses interlocuteurs officiels, marquant sa désapprobation à l'égard du projet de loi sur la banque centrale. Le FMI ne retournera à Budapest pour y discuter d'une nouvelle ligne de crédit sollicitée par le gouvernement hongrois, insiste-t-on à Bruxelles, que lorsque ces questions seront éclaircies. Quelques jours plus tôt, c'est la commissaire à la justice, Viviane Reding, qui s'inquiétait, dans une lettre au gouvernement de Budapest, de la mise au pas du système judiciaire.
Déficit de confiance
Face à ce tir de barrage, amplifié par les griefs de Washington, Budapest semble adopter la même tactique qu'un an plus tôt, lors du tollé ayant accueilli sa loi sur les médias : feindre de reculer pour mieux sauter dès que l'attention internationale s'est fixée ailleurs. Diplomate, M. Martonyi promet que des modifications seront introduites dans les lois sur la banque centrale et la fiscalité, pour les mettre au diapason des règles communautaires.
Mais les dirigeants du Fidesz, le parti conservateur au pouvoir, ne cachent pas l'enjeu de la manoeuvre : pouvoir puiser dans les réserves en devises du pays - 35 milliards d'euros - au cas où les négociations pour un nouveau prêt du FMI tourneraient court. Ayant déjà mis la main sur 11 milliards d'euros des fonds de pension privés, le gouvernement s'apprête à nationaliser ceux des 100 000 personnes ayant préféré rester dans ce système de cotisation, au risque de perdre leurs droits à une retraite d'Etat.
En écho à M. Barroso, la Banque nationale de Hongrie relève pourtant que le principal problème ne vient pas d'un manque de liquidités, mais d'un déficit de confiance dans la politique de M. Orban.
Joëlle Stolz 
Le Monde.fr 

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