lundi 30 janvier 2012

Les coupeurs de tête modernes

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Comme don emblématique de « l’amitié italo-libyenne rénovée », le premier ministre Mario Monti vient de restituer à la Libye la tête de Domitille, que quelqu’un avait volé il y a vingt ans en décapitant une statue antique.
Et en matière de têtes coupées, Mario Monti s’y entend.
Avant de recevoir du président Napolitano la charge de chef de gouvernement, il a fait partie pendant des années de la banque étasunienne Goldman Sachs, une des plus grandes banques du monde, dont les spéculations (parmi lesquelles l’arnaque des crédits subprime) ont eu des conséquences terrible sur l’emploi et le niveau de vie, suite à l’augmentation des prix internationaux des céréales.
En tant que consultant international, il était, selon Le Monde, « ouvreur de portes », c’est à dire chargé de pénétrer au cœur du pouvoir européen pour défendre les intérêts de la banque d’affaires. [1]
Intérêts non seulement économiques mais aussi politiques : les plus grands actionnaires de cette banque font partie de l’omnipotente élite financière, organisée en véritable gouvernement transnational de l’ombre, dans les salons duquel se décident non seulement les grandes opérations spéculatives comme l’attaque contre l’euro, mais aussi celles visant à substituer un gouvernement par un autre plus utile.
C’est ainsi dans ces salons secrets qu’il a été décidé de faire tomber politiquement la tête de Berlusconi : un affairiste très utile pour le démantèlement de la chose publique et les « libéralisations », qui s’est cependant fait mal voir à cause de ses accords économiques avec la Libye de Kadhafi et la Russie de Poutine. Il était devenu encore plus incommode quand, comme le révèle le Washington Post, il s’est mis dans une colère noire à cause du coup joué par la France le 19 mars 2011, lorsqu’elle attaquait la Libye la première. Berlusconi menaça alors d’enlever aux alliés l’usage des bases italiennes. Rappelé à l’ordre par Hillary Clinton, il est rentré dans les rangs et l’Italie, une fois le traité de non-agression avec la Libye déchiré, a joué son rôle dans la guerre « avec honneur ».
Ceci n’a cependant pas suffi pour sauver Berlusconi : abandonné et tourné en dérision par ses alliés, il a dû lui-même mettre la tête sur la guillotine quand, sous la direction du gouvernement transnational de l’ombre , les « marchés » ont menacé de faire écrouler son empire économique.
C’est aussi dans ces salons secrets qu’on a décidé de faire tomber la tête de Kadhafi, littéralement, en démolissant l’État qu’il avait construit et en l’assassinant. Ce n’est pas par hasard que la guerre a commencé par l’assaut aux fonds souverains : au moins 170 milliards de dollars que l’État libyen avait investi à l’étranger, grâce aux revenus de l’export pétrolier qui affluaient dans les caisses de l’État, ne laissant que des marges restreintes aux compagnies étrangères. Fonds par ailleurs de plus en plus investis en Afrique, pour développer les organismes financiers de l’Union africaine (la Banque d’investissement, le Fonds monétaire et la Banque centrale) et créer le dinar-or en concurrence face au dollar. Ce projet fut démantelé grâce à la guerre décidée, avant les gouvernements officiels, par le gouvernement de l’ombre dont fait partie Goldman Sachs.
Gouvernement dans lequel monsieur Mario Monti n’a officiellement plus aucune responsabilité, lui qui, en habit de chef du gouvernement italien, a débarqué à Tripoli. Il était accompagné par l’amiral Di Paola, aujourd’hui ministre italien de la Défense, qui comme président du Comité militaire de l’OTAN, a joué un rôle fondamental dans la guerre contre la Libye. Ils ont apporté en cadeau la tête de Domitille à un « gouvernement » créé artificiellement par l’OTAN, avec pour mission de couper, littéralement, les têtes de tout ceux qui voudraient une Libye indépendante du néo-colonialisme.
 
[1] Voir "Mario Monti, l’austère professeur", par Arnaud Leparmentier, Philippe Ridet et Marc Roche, Le Monde, 14 novembre 2011, NdT.

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