Il est déconcertant de soupçonner, durant des mois, les pièces d’un puzzle en train de se mettre en place et de découvrir, trop tard, la survenue d’une tragédie parfaitement planifiée : comme celle d’hier 18 août, au nord d’Eilat, à la frontière du Sinaï égyptien.
A cette heure, on dénombre au moins 7 morts et 31 blessés israéliens, 7 terroristes interceptés et neutralisés, au cours d’une opération qui en comportait une vingtaine, les autres s’étant évaporés dans la nature. Et six autres terroristes, dont les 2 chefs du groupe incriminé, les Comités populaires de la Résistance, dans une frappe de la force aérienne à Gaza, moins de 6h après le drame. D’autres représailles suivront, suivies de départs de missiles et roquettes depuis Gaza. Mais, sur le plan stratégique, en quoi est-ce que Gaza, comme pont avancé du terrorisme est-il sur le point d’être démantelé ?
Depuis le 6 mars, donc, nous avons évoqué les pourparlers de tout ce que le Moyen-Orient compte de cerveaux jihadistes prêts à activer leurs adeptes : Youssouf Al Qaradawi, Khaled Meshaal, des envoyés du Hezbollah, du Jihad islamique égyptien, les services secrets iraniens, invités d’Omar el Béchir à Kartoum, avec pour objectif, le lancement de la IIIè Intifada. Il y a quelques semaines à peine, un groupe d'al Qaeda parfaitement structuré prenait la ville d’El Arish en otage durant plusieurs heures, en prônant l’établissement du Califat islamique dans la Péninsule. Le gazoduc vers Israël et l’Egypte était, cinq fois détruit.
Mardi 16 août, nous relations le lancement d’une offensive anti-terroriste de grande envergure par l’Etat-Major Egyptien. Le danger de ce qui se trame dans ces montagnes est comparable à l’équivalent d’une nouvelle guerre afghane, avons-nous alors fait remarquer.
Mais, il a encore fallu attendre 48 h pour se prendre la confirmation cinglante à travers les informations filtrant de la région d’Eilat. Le type d’attentat multifocal, orchestré relève d’un partage de connaissance et de logistique millimétrée pour enclencher une succession d’évènements létaux, au moment même où les forces se mettent sur le qui-vive pour y faire face et riposter. Un seul groupe isolé n’a pu prendre cela sous son chapeau sans bénéficier d’appuis et d’expériences, telles qu’elles sont mises à jour en Afghanistan et en Irak. Comme si ces guerres n’étaient qu’une répétition générale avant transfert de compétences mortifères contre une cible gardée en réserve durant toutes ces années de conflit.
Le moment politique choisi ne relève pas seulement de la cogitation de quelques fanatiques des montagnes, ni même de Gaza. Nous approchons de septembre, où Mahmoud Abbas doit occuper la scène de l’ONU, par une déclaration unilatérale. Le Hezbollah se trouve enfoncé dans une crise sans précédent, pris, apparemment, en tenaille entre le Tribunal international et l’isolement diplomatique de son fournisseur Assad. Celui-ci a plus que besoin 'une voie de délestage, desserrant l'étau dans lequel il s'est, lui-même enfermé. Dès février, des maîtres es-terrorisme de ce groupe et d’autres s’enfuyaient des prisons de Moubarak à travers le Sinaï, à la faveur de la « révolution » soutenue par l’Administration américaine. Certains ont rejoint Beyrouth. Mais, pour y apporter quel message de voie ouverte dans ces régions escarpées, auprès d’autres groupes prêts à passer à l’action ? L'un d'eux, Massaad Abdelrahim Charif, vient juste d'être repris, dans le Sinaï, le 17 août.
Les armes n’ont jamais cessé de passer par les tunnels sous le gruyère égyptien, avant que son armée ne commence à réagir, sans savoir précisément ce que serait l’étape suivante.
Le leadership israélien est face à un dilemme et des constats dont il n’a pas encore mesuré toute la profondeur. Khaled Meshaal souhaite transférer ses quartiers généraux de Damas au Caire. Autant dire qu’il s’agit d’ouvrir un centre de commandement d’une guerre anti-israélienne sans fin, appuyée par le poids politique des Frères Musulmans. La junte militaire est-elle disposée à faire front, face à des foules qui risquent de se retourner contre elle, par soupçon de collaboration avec « l’ennemi sioniste » ?
On comprend qu’en désignant Gaza comme la plaque tournante, ce qui est loin d’être faux, Ehud Barak et Binyamin Netanyahou tentent de minimiser les risques en circonscrivant la menace à un ennemi déjà connu. Si les frappes sont « trop peu nombreuses », rien ne changera. Au contraire, on peut s’attendre à ce que ça n’aille qu’en empirant. Si elles sont massives, il y aura, comme toujours, focalisation médiatique et dénonciation de l’oppression qu’exercerait Israël en représailles. L’Etat hébreu offrirait alors un dérivatif aux réformes qui piétinent dans le monde arabe et en Egypte. L'offensive nécessaire risque d'offrir une couverture médiatisée, largement relayée par les rédactions orientées par des décennies de réflexes pavloviens, comme écran de fumée aux massacres indistincts que commet Assad contre son propre peuple. Le Hamas aura beau jeu de dénoncer toute « négociation » et même la déclaration unilatérale d’Abbas comme un simple simulacre, sans commune mesure avec la lutte qui, selon lui, devrait être menée, « au nom du peuple palestinien ». Il tentera alors de fédérer, de façon inespérée, mais sans trop de mal, toutes les forces antisionistes que compte la planète. Pour le Jihad, c’est maintenant ou jamais qu’il faut détourner l’attention des révolutions et reprendre Israël en ligne de mire. La réplique réfléchie doit être à la mesure de ce « coup de théâtre » dans le ciel obscur du « Printemps arabe ».
Israël n’a d’autre choix, pour sa propre survie, que de faire comprendre au monde qu’il est hors de question de cohabiter avec des entités qui couvent de tels desseins de destruction massive. Des efforts de coordination minimale, malgré un contexte politique défavorable, doivent être entrepris, au niveau régional. Ils désigneront clairement l’ennemi commun, dans ses branches armées autant que ses façades politiques, tels que les Frères Musulmans, pères du Hamas et du Jihad Global d’Al Qaeda. Bien évidemment, Israël ne sera ni suivi ni soutenu dans sa résolution. Comme chaque fois, il fera, et comprendra qui veut l'étendue de la tâche qu'il reste à accomplir en vue d'une région authentiquement pacifiée.
L’attentat multiple d’Eilat porte plusieurs signatures et un seul sceau. L’islam radical, sous toutes ses formes et appellations, est entré en guerre contre les démocraties et les aspirations encore embryonnaires à plus de libertés, chez les peuples. Il ne peut y avoir de demi-mesure face à un ennemi rusé, mais totalement déterminé à éradiquer le monde libre. Les détails précis, les méthodes, le "comment" peuvent être discutés, affinés. Mais l'objectif et la détermination pour y parvenir sont inamovibles. Il ne peut y avoir de bon ou de mauvais moment pour le combattre sans rémission, jusqu’à écraser la tête de l’hydre, dans ses ultimes terminaisons nerveuses : au Caire, à Damas ou Téhéran. Il ne saurait y avoir de repos ni de paix, encore moins de nouvel état dans la région, tant que cet objectif de vaincre la barbarie islamiste, chi’ite ou sunnite, partenaires de bains de sang en séries, n’est pas atteint.
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