Un vieux souvenir me revient. En 1983, je m’étais rendu, partant de Genève, avec mon passeport suisse, en Israël et au Liban. Puis, à nouveau en Israël, en 1989, 1998, 2010 et 2011. J’ai déjà publié, sur ce blog, les chroniques de ces divers périples. Mais le vieux souvenir qui me revient est autre. Au début des années 1990, en partance de Paris et avec un autre passeport, je m’étais rendu en Syrie, me fondant, initialement, dans un groupe de touristes français, venus visiter les sites archéologiques de Syrie (on n’est jamais assez prudent, surtout avec les Moukhabarats, ces services secrets syriens tueurs de chrétiens libanais « pro-sionistes »…). J’ai ainsi parcouru la Syrie, notamment Damas, Lattaquié, Deir Ez-zor, Palmyre et Maaloula. La petite minorité syrienne alaouite, notamment le clan Assad, gouvernait le pays. La majorité sunnite subissait des persécutions à chaque fois qu’elle tentait de se rapprocher des Frères Musulmans. En revanche, la minorité des chrétiens (syriaques, melkites, etc.) jouissaient d’une relative liberté, à condition de ne pas faire de bruit.
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J’avais trouvé « paradoxal » que les Assad ménagent les chrétiens syriens tout en massacrant les chrétiens libanais. Je me souviens maintenant, qu’à l’époque, en discutant, en privé, avec des chrétiens syriens, nous avions envisagé, que le jour où les Assad tomberaient, la Syrie serait, peut-être, soumise à une partition en plusieurs mini Etats : un Etat sunnite ; un mini Etat alaouite ; et un mini Etat chrétien. Ce qui, soit dit en passant, entraînerait, à son tour, sous toute vraisemblance, une partition du Liban en un mini Etat chiite, un mini Etat sunnite et un mini Etat chrétien. Aujourd’hui, en août 2011, avec les influences actuelles de l'Iran et de l'Arabie saoudite exercées sur Damas, je n’ai pas la moindre idée de ce qui va se passer en Syrie et au Liban. Ce n’est pas parce que j’ai des « contacts », que je sais prédire l’avenir au Levant. Cela dit, la chute des Assad est actuellement une option possible, parmi d’autres options possibles. Et je ne verrais pas d’un bon œil, pour les Chrétiens syriens et libanais ainsi que pour les Israéliens, la Syrie rester un seul et unique Etat, mais un Etat à dominante sunnite…
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A propos de la Syrie, je viens de lire, cette analyse, de MediArabe.info, parue aujourd’hui : Le régime syrien se fissure, comme en attestent les dernières manœuvres du président Assad. Il a en effet remercié, hier lundi, son ministre de la Défense Ali Habib, qui s’était opposé à l’intervention massive de l’armée notamment à Hama. Habib était hostile à la solution sécuritaire qui mettrait l’armée en « contact périlleux avec la population », qui l’épuiserait et qui menacerait sa cohésion. Habib, un sunnite, ne pouvait pas cautionner le massacre systématique ordonné par le régime contre ses coreligionnaires.
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MediArabe.info : Son remplacement par un chrétien, en la personne du chef d’état-major Daoud Rajha, est une première très symbolique. En effet, non seulement Assad sanctionne un sunnite qui s’opposait au génocide, et qui de plus, pouvait constituer une menace pour le régime dans le sens où il aurait pu incarner une alternative à Assad susceptible de régénérer le régime, mais surtout, Assad cherche à engager les Chrétiens à ses côtés à travers la promotion de Rajha.
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MediArabe.info : Pourtant, cette manœuvre porte les germes d’un conflit confessionnel qui plane sur la Syrie et qui y prépare une guerre civile multidimensionnelle engageant les ethnies (Arabes, Kurdes, Assyriens, Turkmènes, Chaldéens...) et les confessions (Alaouites, Chrétiens, Sunnites, Chiites, Druzes...). Assad chercherait à travers cette fuite en avant et ce suicide collectif à prouver qu’il était - et qu’il est toujours, pense-t-il - le seul garant de la stabilité du pays, alors que le monde l’accuse d’être le principal facteur d’instabilité de toute la région (Irak, Liban, Palestine, Golfe...).
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MediArabe.info : Le limogeage de Habib intervient à un moment crucial. Les dissidences et les défections d’officiers et de militaires se multiplient au même rythme que le massacre des populations civiles. De ce fait, Habib pouvait devenir, après son limogeage, encore plus dangereux pour Assad. Il pouvait rassembler les mécontents du régime et constituer une vitrine fréquentable des révolutionnaires et des dissidents. D’autant plus que Habib était relativement épargné par les sanctions américaines et européennes qui ont visé une liste de personnalités syriennes, politiques, économiques et militaires. L’Occident pouvait ainsi miser sur Habib comme une alternative crédible.
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MediArabe.info : Ces facteurs semblent avoir inquiété Assad et rendu l’élimination physique de l’ex-ministre indispensable. Quelques heures après son limogeage, Ali Habib aurait ainsi été retrouvé mort dans son domicile. Plusieurs médias arabes ont repris cette information obligeant l’ex-ministre à intervenir à la télévision d’Etat pour démentir la rumeur sur sa mort, et pour affirmer que son état de santé ne lui permettait plus d’assumer ses fonctions. Affirmant rester un soldat dans l’armée syrienne, Ali Habib a souhaité bonne chance à son successeur.
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MediArabe.info : Pourtant, selon plusieurs sites d’informations, relayés par de nombreux médias, la télévision syrienne avait laissé planer le doute sur le sort de Habib, attribuant sa « mort naturelle » à sa maladie (jamais déclarée auparavant) et qui a justifié son remplacement ! Le démenti du décès de Habib ne rassure pas pour autant le peuple syrien. Plusieurs activistes estiment que la rumeur sur la mort de Habib était un avertissement indirect et une menace à peine voilée que le régime lui a adressé pour le dissuader de rejoindre les opposants. La multiplication des mutations au sein du dispositif politique, militaire et sécuritaire en Syrie vise aussi à empêcher toute tentative de prise de contact entre les responsables syriens et des services étrangers en vue d’organiser l’alternance au pouvoir.
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MediArabe.info : Or, à force de faire le vide autour de lui pour empêcher toute alternative, Assad ne fait qu’accélérer sa chute. Cette nuit, plusieurs sources de l’opposition syrienne ont affirmé que « Bachar Al-Assad traverse une crise d’hystérie qui justifie ses manœuvres, mais qui se révèlent vaines ». Cette hystérie s’exprime à travers la poursuite de la répression et de la tuerie, en dépit des appels à la retenue lancés par les pays arabes, par le roi Abdallah d’Arabie et par la Turquie notamment. L’étau se resserre sur le régime, avec le rappel de plusieurs ambassadeurs en poste à Damas par leur pays. Mais rien n’y fait. « Assad, seul contre tous, est décidé à se battre jusqu’au dernier Syrien pour conserver le pouvoir », conclut MediArabe.info.
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Michel Garroté
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